mercredi 24 juillet 2013

Les maçons de la Creuse... Une exposition à Guéret.


Les maçons de la Creuse au XIXème siècle: 
un exode vers Paris

Martin Nadaud.

En voilà une bonne initiative des Archives départementales de la Creuse! Il s'agit d'une petite exposition, simple, efficace et plutôt bien branlée dans son ensemble. On approuve et on recommande! L'expo se tient depuis le 8 juillet et jusqu'au 31 octobre 2013 dans le hall des Archives départementales de la Creuse à Guéret. L'entrée est libre et l'on peut s'y rendre du lundi au jeudi, de 8h30- à 17h, de 8h30 à 16h le vendredi.



Martin Nadaud sert de fil conducteur et osons le dire, de guide à travers cette petite expo qui se concentre sur l'émigration creusoise à Paris. Elle aborde brièvement en quelques panneaux les origines de cette émigration, le trajet de Creuse jusqu'à la capitale, le travail, les accidents, les logements insalubres (garnis), l'éducation, la politique, les bals et la boxe. En bref tout ce qui faisait le quotidien de l'ouvrier creusois à Paris au XIXième siècle.


Côté documents originaux, outre quelques manuscrits de Martin Nadaud, on peut admirer quelques outils d'époques, des exemplaires de "l’almanach du franc et bon maçon", (qui n'a rien de franc maçon d'ailleurs, et pour cause puisqu'il s'agissait d'une brochure d'inspiration catholique destiné à reconquérir le cœur des ouvriers), un livret ouvrier de maçon de la Creuse, des rapports officieux et officiels sur l'émigration, et enfin une liste des creusois tués lors des Trois Glorieuses de juillet 1830... et qui figurent comme il se doit sur la colonne de Juillet, place de la bastille à Paris.

Il est par contre bien dommage que l'exposition n'évoque même pas le rôle important joué par les maçons de la Creuse au sein de la Commune de Paris. D'abord parce que leur participation à la révolution de 1871 fut bien supérieure à celle de 1830, de février 1848, juin 1848. Ensuite parce que les Archives départementales regorgent de nombreux documents à ce sujet! Ce sujet mériterait une exposition à lui seul. Elle viendra, nous l'espérons en tout cas.



lundi 7 janvier 2013

A propos du livre "La Commune démystifiée"

Un livre intitulé La Commune démystifiée est sorti il y a quelques mois chez l'éditeur "France-Empire"...
Voilà les lettres et la réponse à la première, envoyés aux auteurs de ce livre, par un descendant de maçon de la Creuse et de fédéré de 1871.



Bonsoir


Je n' ai pas lu l'ouvrage paru sous le titre "la commune démystifiée", la présentation m'a suffit. Je suis consterné de voir que vos deux auteurs puissent considérer Thiers comme un libérateur de la France. Quand un envahisseur foule le sol du pays, on le combat et cela jusqu'à la mort. Acheter le départ de troupes étrangères, cela n'a rien de très glorieux. Au contraire. Ou alors est-ce peut-être la réaction de personnes qui ont des choses à perdre. Mes aïeux n'en avaient pas. Ils étaient tous maçons de la Creuse, émigrés à Paris pour travailler comme ouvriers du bâtiment et logés dans des garnis infects. Ils s'engagèrent dans la garde nationale de la Seine et pour défendre la patrie en danger, et oui, pour la justice sociale. Ils étaient de la classe ouvrière, eh oui, ils étaient de simples gardes nationaux fédérés, dont certains ont perdus la vie en étant fusillés, d'autres en étant arrêtés puis déportés. Je me sens donc offensé que vos auteurs pussent voir chez les miens des "petit-bourgeois" ou des "tribuns présomptueux".
Je me sens offensé que vos auteurs puissent affirmer que le massacre de 15 000, 20 000 ou 30 000 parisiens (selon les estimations, peu importe!) soit nécessaire à l’établissement d'une république parlementaire et bourgeoise.

J'ai l'honneur de demander réparation à vos deux auteurs pour l'insulte qui est faite à mes ancêtres. Je me tiens donc à leur disposition si ces messieurs sont prêts à assumer leurs écrits.

O. P.




Réponse sur La Commune démystifiée

Monsieur,

Il est toujours difficile de répondre à un lecteur qui n’a pas lu votre livre et qui prétend se faire un jugement sur la base d’un simple « prière d’insérer ».
Aussi, avant de vous répondre, je ne saurais trop vous suggérer de lire cet ouvrage, qui n’est pas très volumineux (250 pages), contrairement aux pavés couramment consacrés à la Commune de Paris.
Du moins auriez-vous dû prendre la peine de parcourir l’avant-propos où les deux auteurs expliquent pourquoi ils ont eu envie de « revisiter le mythe ».
Mais revenons à vos remarques.
Eh oui, ne vous en déplaise, Thiers fut bien le libérateur du territoire, en réussissant le double tour de force d’arracher un traité de paix à l’envahisseur prussien et en le faisant ratifier par la représentation nationale. Dans cette tâche surhumaine, il bénéficia de l’écrasant soutien du peuple français, comme l’atteste le succès de l’emprunt émis le 27 juin 1871 et couvert en quelque six heures à peine.
Mais il ne s’est pas contenté de libérer le territoire : il a mis fin à l’insurrection parisienne, qui menaçait gravement l’unité nationale - et, loin d’ordonner un massacre, il s’est, au contraire, employé à refréner l’ardeur vengeresse de ses généraux - ; il a réorganisé l’armée ; il a imposé la République – avant d’être écarté, non par « le peuple » qui l’idolâtrait ou par la gauche parlementaire, mais par la droite monarchiste…
La « légende noire » de Thiers ne repose sur aucune réalité historique.
Vos aïeux étaient certainement des hommes respectables. Ils faisaient partie de ce petit peuple de Paris, dont l’Empire, malgré une œuvre économique sociale importante, n’avait pu améliorer le sort. Mais, avant d’être les victimes d’une répression sanglante, ces pauvres gens furent égarés par – je cite le « prière d’insérer », que je ne renie pas – « un agglomérat majoritairement petit-bourgeois, de tribuns incompétents, prêts à tout pour instaurer une dictature s’appuyant sur le désordre, les pillages, les destructions ».
Vos ancêtres n’étaient certes ni des « petits-bourgeois », ni des « tribuns présomptueux ». C’étaient seulement de braves gens qui se sont laissé entraîner sur une voie sans issue par des chefs irresponsables, dont la plupart, au demeurant, échappèrent à la mort et à la répression, dont plusieurs même firent une honorable carrière parlementaire sous la IIIe République (Ranc, Cluseret, Edouard Vaillant).
Si vous aviez pris la peine de nous lire, vous auriez pu constater que nous reconnaissions la qualité de plusieurs chefs communards (Rossel, Varlin, Delescluze) et que nous soulignions les erreurs, les provocations, les maladresses des « Versaillais ».
Une dernière remarque : vous dites vous sentir offensé à l’idée que nous puissions soutenir que le massacre des communards ait été « nécessaire à l’établissement d'une république parlementaire et bourgeoise ». Mais, si vous aviez lu notre livre, vous auriez pu constater que nous n’avons rien écrit de tel.
En terminant, vous nous demandez « réparation » pour une soi-disant « insulte » à vos ancêtres. Sylvain Pivot, aujourd’hui disparu, et moi-même, nous nous sommes tenus très scrupuleusement à une attitude d’historiens, à la lumière d’un propos du grand Condorcet, selon qui la vérité « appartient à ceux qui la cherchent et non à ceux qui prétendent la détenir ».
Comme il n’y a pas eu d’insulte, il n’y aura donc pas de réparation.  
Croyez, Monsieur, à mes sentiments les plus cordiaux.

F. B.



Monsieur.

Je vous appelle « monsieur » et non « citoyen » (ce que vous êtes pourtant –malgré vous ?). Sans doute le terme « citoyen » vous offenserait. En effet, c’est une désignation qui à la fin du mois de mai 1871 pouvait vous envoyer contre un mur. Il n’en fallait pas moins. Bien trop souvent.
Passons.
Je ne saurais me résoudre à lire votre ouvrage. Lorsque je veux lire un point de vue réactionnaire sur la Commune de Paris, il me suffit de consulter mes volumes de Maxime Ducamp, Fonvielle, Ernest Daudet et bien d’autres, comme Marc-André Fabre, « éminent historien » qui a fait mettre au pilon des milliers de dossiers de conseil de guerre des archives de Vincennes. Car s’il y a démystification dans votre ouvrage, vous conviendrez que c’est une démystification « droitière » ou conservatrice ( je vous laisse le choix des mots). Je travaille également sur la Commune depuis longtemps avec mon ami. Nous ne sommes pas dupes. Nous sommes tout à fait conscients du mythe qui entoure la Commune et de ses multiples récupérations politiques. Si celle de quelques « nationalistes révolutionnaires » est insignifiante, celle des organisations post-staliniennes devenu social-démocrate comme le PCF et les « Amis de la Commune » nous écœure. Il n’y a pas un numéro de leur bulletin qui pérore sur « l’actualité brûlante de la Commune ». Non, nous ne sommes pas dupes. Dombrowski n’était pas un sans-papier. Louise Michel n’était pas une « indignée » tapant sur son djembé assise sur un trottoir. Dans nos recherches aux archives ou ailleurs, nous aimons à citer le témoignage d’Emile Maury, garde nationale rallié aux fédérés un peu par hasard, plus attentiste que révolutionnaire. Comme ça devait être le cas pour une majorité de gardes nationaux, même dans les quartiers populaires. Nous n’approuvons ni le point de vue marxiste sur la Commune (qui voit tout un peuple se levé d’un seul homme) que nous n’approuverons celui de certains nostalgiques des Tuileries (qui font des communalistes des pilleurs et des destructeurs). Si je vous dis tout ça, c’est parce que nous œuvrons nous même à une certaine démystification de la Commune. Mais une démystification qui n’ôte aucunement la pureté de l’idéal communaliste. A savoir, le patriotisme blessé et la justice sociale.
Non Monsieur, on ne peut glorifier un Thiers qui « libère » le sol national à coups de millions, par peur du « rouge » plus que par peur des prussiens. C’est là le point de vue des gens qui ont quelque chose à perdre. Rossel, que vous n’égratignez pas dans votre ouvrage à priori, citait l’exemple de l’Espagne. Celle de 1807-1808-1809, aux trois quarts envahis, sa capitale occupée, dont une partie même de ses soldats et de ses « élites » s’était rallié à Napoléon Ier. Un pays envahi, ça se défend jusqu’au bout. Le peuple de Paris en était conscient, autant que certains officiers (républicains ma foi), comme Krémer, Denfert Rochereau, ou Rossel. Ceux-là mettaient l’honneur de la patrie souillée au-dessus des craintes de certains notables, politiciens et affairistes de province. Il s’agit bien d’un anachronisme quand vous dites « le peuple » à propos de ceux qui adulaient Thiers. Car à l’époque on utilisait le mot peuple pour désigner la population des villes et en particulier celle de Paris. Pour la population des campagnes on se contentait de dire « les campagnes », «  les paysans ». De plus, dans les allocutions de l’assemblée de Versailles, ou dans les communiqués de Mac-Mahon ou de Thiers, il n’est jamais fait référence à une défense de la république contre la Commune de Paris comme vous semblez le dire. Il y a bien le « république française » au-dessus de l’affiche. Point. C’est dans le Paris « rouge », dans le Paris communaliste que l’on chantait « la Marseillaise », « le Chant du départ » ou « Mourir pour la patrie »(chant des Girondins) que l’on s’appelait citoyen et où l’on faisait sans cesse référence à la république. A Versailles ma foi, peut-être fredonnait-on « Vive Henri IV » ou « Partir pour la Syrie ». Mais tous ces symboles (la Marianne y compris) d’une république dont vous dites que Thiers est à l’origine, se retrouvait à Paris et non à Versailles. Je pourrais vous rappeler également ces doux mots du Figaro de l’époque qui clamait dans ses lignes que les républicains (en parlant des communeux bien sûr) n’étaient bon qu’à être fusiller, que c’était une race à exterminer. Je n’exagère rien.
La cassure (juin 48 l’ayant annoncé) se fait pendant la Commune. Je n’oublierais pas ces mots de Chaudey qui avant d’être fusillé sur l’ordre de Raoul Rigault lui dit « vous n’ignorez pas que je suis républicain ». Ce à quoi Rigault répondit « Oui républicains comme à Versailles ». Si Chaudey était certes innocent. Ce n’était pas lui mais un officier des mobiles bretons qui avait donné l’ordre de tirer au 22 janvier. Il était néanmoins de ces pseudos républicains ex proudhonien, qui aurait avait lui-même mis une barrière devenue infranchissable entre le républicanisme d’ordre bourgeois et le républicanisme sociale et révolutionnaire. Et Raoul Rigault, dont je doute que vous ne manquez pas de salir dans votre ouvrage comme « petit bourgeois » ou « tribuns incompétents ». Si cela peut s’appliquer à des personnes comme Pyat et consorts, car oui je sais qu’il y eut des gens de la pire espèce dans les élus de la Commune. Que dire de Raoul Rigault, c’était avant la Commune un partouzeur du Quartier Latin (il s’est retrouvé dans certaines de ses débauches avec Gambetta ou même un magistrat du barreau de Paris, pédéraste, information qui après chantage, lui a permis d’être libéré lors d’un de ses procès). C’était quelqu’un de très farceur (les mémoires de Maurice Dreyfous l’attestent, le pamphlet de Forni aussi, il le connaissait bien, ils étaient « bons camarades » au Quartier). Mais pardon, car au moment où Paris est investi, où les troupes versaillaises s’approchent, Rigault se pare de son uniforme (qu’il n’a jamais mis du temps de la Commune) contrairement à d’autres petits malins qui se sont pavanés pendant plusieurs semaines avant de brûler leurs effets à l’approche de la troupe. Raoul Rigault, bête noire des historiens conservateurs ou réactionnaires, refuse de laisser son logeur se faire fusiller à sa place alors qu’il aurait pu s’enfuir, se laisse capturer et répond crânement « Vive la Commune ! » au sous-officier des chasseurs à pied qui lui colle son revolver sur la tempe. Raoul Rigault et bien d’autres « petits bourgeois » et « tribuns incompétents » savaient mourir. Et bien mieux que certains officiers versaillais, piteux capitulards de Sedan ou de Metz. « Ils sont morts avec beaucoup de crânerie » a dit un observateur (versaillais) de l’époque. Bien sûr beaucoup se sont enfuis, mais même chez ceux qui se sont rendus. Ils savaient le sort qui les attendait. Certains ont déposé leurs armes, en sachant pertinemment qu’on allait les fusiller. Ils l’acceptaient, c’était fichu, encore foutu. Je parle du fédéré de base. Mais l’on peut ainsi expliquer les demi-suicide de Flourens, Delescluze, Varlin ou même Rigault. Peut-on insulter de la sorte des gens qui sont morts si bravement ? Excepté parmi les troupes de Clinchant, les troupes furent sans pitié. A lire les témoignages  de plusieurs volontaires de la Seine, unité servant dans le nord de Paris et composé pour la 1ere compagnie uniquement d’anciens officiers (livres de Hans, de Grandeffe etc…) on ne peut en douter. Bien des membres de cette unité, dont l’uniforme de garde mobile ressemblait beaucoup à l’accoutrement d’un fédéré, a failli se faire fusiller par des lignards ou des chasseurs avinés.
Quant à mes aïeux, ne vous en déplaise, ils n’avaient sûrement rien d’honorables à vos yeux. C’étaient des travailleurs du bâtiment, des ouvriers que leur rude besogne et l’insalubrité des logis dans lesquels on les jetait, a dû encourager  «l’égarement » dont vous parlez. Bien que leurs dossiers de police soient chargés de rixe de beuveries ou de vol, c’étaient des gens qui prenaient des cours le soir pour apprendre à lire. Les considérez-vous comme des brutes, incapables d’avoir pris eux-mêmes la décision de participer à « l’insurrection » communaliste ? Des abrutis, des moutons ? C’est là malgré ce que vous dites bel et bien une insulte qui s’ajoute à la première. La Creuse fut la troisième département, en proportion, après la Seine et l’Oise quant aux nombres d’habitants poursuivis pour faits d’insurrection pendant la Commune. La tradition « de gauche » dans ce département et dans ma famille est né de ces 76 jours de la Commune. J’entends par «  de gauche », les idées de progrès, de justice et d’égalité sociale qui leur ont tenus à cœur au point d’y risquer leur vie et pour certains de la perdre. Idées qu’ils m’ont transmises par la tradition et auquel je crois tout en honorant leur mémoire. C’est pour cela monsieur, qu’il ait temps pour vous d’assumer ce que vous écrivez et que je me tiens toujours à votre disposition. Sans cela je me verrais dans l’obligation de vous considérer comme un lâche en plus de voir en vous un diffamateur.

O. P.



mardi 19 juin 2012

La hiérarchie chez les maçons.



La hiérarchie chez les maçons, comme l'expliquait Louis Bandy de Nalèche (1828-1879), avocat et politicien libéral, dans son ouvrage « Les maçons de la Creuse » publié en 1859 :

L’art de la maçonnerie n’a pas fait de sensibles progrès ; nous trouvons dans le Dictionnaire des arts et métiers de Lucotte, architecte, la nomenclature des ouvriers en bâtiment, qui en 1783 était exactement la même qu’aujourd’hui.
La voici :

1. Le premier et le chef des ouvriers est l’architecte. Son emploi est de faire les plans et les élévations des bâtiments, d’en diriger tous les détails, de dresser les devis et marchés, et de régler les prix lorsque les ouvrages sont terminés. Dans les grands édifices, il est aidé ordinairement des contrôleurs, inspecteurs, sous-inspecteurs et autres architectes inférieurs.

2. Après l’architecte, le premier ouvrier est le maître maçon. Son emploi est de conduire la maçonnerie du bâtiment, suivant les plans et élévations qui lui sont donnés par l’architecte ou ses préposés, de fournir tous les matériaux, de les employer, d’en diriger l’économie, ce qu’on appelle entreprise.

3. Le deuxième ouvrier est le maître compagnon, homme de confiance et instruit dans l’art, qui agit pour les intérêts du maître maçon et en son absence. Son emploi est de donner tous les soins à la main-d’œuvre, de faire l’appel des ouvriers le matin et le soir, et son rôle pendant la journée, de donner des récépissés des matériaux à mesure qu’ils arrivent, d’emmagasiner et prendre soin des équipages et ustensiles, en un mot, de veiller à l’économie générale du bâtiment.

4. Le troisième est l’appareilleur. Son emploi est de construire les épures (dessins détaillés des voûtes), d’après les détails du maître maçon, d’appareiller les pierres et d’en fixer la dimension. Le prix de sa journée est d’environ 3 livres à Paris. Il est quelquefois aidé par ses compagnons ou garçons du tas, appareilleurs inférieurs ; le prix de la journée est moindre.

5. Le quatrième ouvrier est le tailleur de pierre. Son emploi est de tailler la pierre et de lui donner les formes qu’elle doit avoir, suivant les dimensions que lui a données l’appareilleur. Le prix de sa journée est depuis 35 jusqu’à 45 sous.

6. Le cinquième ouvrier est le poseur. Son emploi est de mettre en place les pierres, de les poser de niveau et à plomb, et d’en scier les joints lorsqu’il est nécessaire. Le prix de sa journée est d’environ 45 sous.

7. Le sixième ouvrier est le scieur de pierre dure. Son emploi est de scier les pierres dures à la scie sans dents, à raison de 4 à 5 sous le pied carré, pour les pierres ordi¬naires, et jusqu’à 10 sous pour les pierres de liais.

8. Le septième ouvrier est le scieur de pierre tendre. Son emploi est de scier les pierres tendres à la scie à dents. Prix de journée de 35 à 40 sous.

9. Le huitième ouvrier est le compagnon maçon. Son emploi est de construire les ouvrages en plâtre. Gain 40 sous par jour.

10. Le neuvième ouvrier est le limousin. Son emploi est de construire les ouvrages en mortier. Gain 36 sous par jour.

11. Le dixième et dernier ouvrier est le manœuvre. Son emploi est de faire les ouvrages bas et rudes et de servir les autres. Gain 25 et 30 sous par jour.

12. Ceux qui servent les maçons (un seul pour chacun) battent le plâtre, le passent, le gâchent et le portent aux maçons pour l’employer.

13. Ceux qui servent les poseurs, au nombre de deux ou trois pour chacun, les aident à porter, lever, rouler les pierres dans leur place.

14. Ceux qui sont employés aux chariots sont six pour les traîner et un ou deux suivent par derrière, chargés chacun d’eux d’une pince pour aller à la roue.

15. Ceux qui sont employés à barder les pierres, c’est-à-dire à les mettre en chantier et à les remuer, appelés bardeurs (onzième ouvrier), sont par bandes de trois ou quatre chacune, s’entraidant mutuellement, un d’eux conduisant la bande.

16. Ceux qui sont employés aux engins sont plus ou moins nombreux, suivant les besoins.

17. Un douzième ouvrier, employé par le maître maçon, et qui n’est appelé que lorsque le bâtiment est fini, est le toiseur. Son emploi et souvent son seul talent est de savoir toiser toutes les parties du bâtiment suivant les usages et la loi, d’en dresser les mémoires et d’y mettre des prix relatifs aux marchés et à l’espèce d’ouvrage. Le prix de son travail est ordinairement de 10 pour 1.000, mais un peu moins pour les grands édifices. »

vendredi 15 juin 2012

Daeninckx et les "démolisseurs limousins" dans Le Banquet des affamés


Oui "démolisseurs limousins"! C'est par cette expression que Didier Daeninckx désigne les maçons de la Creuse dans son dernier et fort mauvais roman, Le Banquet des affamés. Chantre de la dite "littérature prolétarienne", celui-ci ignore d'une que dans un chantier ceux qui démolissent un bâtiment et ceux qui le construisent ( la chose est encore plus vraie pendant les travaux du baron Haussmann) ne sont pas les mêmes personnes. En ce qui concerne les "limousins" de Daeninckx, a savoir les ouvriers du bâtiment de Creuse, de Haute-Vienne et de Corrèze, il suffit de se rapporter aux ouvrages sur le sujet comme aux mémoires d'anciens maçons pour bien voir qu'ils n'ont jamais participer aux nombreuses démolitions qui ont frappé Paris au XIXème siècle. Si pour l'auteur il s'agissait de parler de "démolisseurs" au sens large, sous-entendant qu'ils ont participer en masse aux travaux d'Haussmann, l'expression est alors bien mal choisie.
De toute manière, ce roman écrit à la première personne qui veut nous raconter l'histoire de Maxime Lisbonne, éminent Communard est a bien d'égard douteux historiquement, faible au niveau littéraire et bourré d’anachronismes...


samedi 9 juin 2012

Quelques noms...




Quelques noms parmi les 953 creusois arrêtés pour avoir pris part à l’insurrection communaliste. Quelques noms, parmi les milliers de creusois qui prient part de près ou de loin à la lute dans les rangs fédérés en 1871. On estime qu'entre 1500 et 3000 creusois, pour la plupart maçons, seraient morts (tués ou fusillés) pendant les combats sur les remparts et la Semaine Sanglante. 


François Aufaure, maçon né à Bussière Dunoise (Creuse) en 1852, prend part à l’insurrection de la Commune de Paris et est condamné à la déportation  en Nouvelle Calédonie jusqu’en 1879. .

Antoine Blondet, tailleur de pierre né à Jalesches (Creuse) en 1845, prend part à l’insurrection de la Commune de Paris au sein du 119ème bataillon de la garde nationale et est condamné à la déportation en Nouvelle Calédonie. 

Jean Coucaud, maçon né à Chabannes (Creuse) en 1848, prend part à l’insurrection de la Commune de Paris et est condamné à la déportation en forteresse. 

Jean Dissoubray, né à Saint Germain Beaupré (Creuse) en 1835, prend part à l’insurrection de la Commune de Paris et est condamné à 5 ans de détention.  36 ans.

Félix Gaumet, maçon né en 1832 à Champagnac (Creuse), prend part à l’insurrection de la Commune de Paris comme capitaine au 214ème bataillon de la garde nationale et est condamné par contumace à la déportation en forteresse. 

Simon Givernaud, né à Saint Vaury (Creuse) en 1839, militaire puis fleuriste à Paris. Sergent au 88ème bataillon de la garde nationale pendant le 1er siège, il est élu sous lieutenant au même bataillon et reçoit 2 blessures en défendant la barricade de la rue de Turbigo. Condamnée à la déportation en Nouvelle Calédonie en 1872, sa peine est commuée en 5 ans de détention. 

Jean Gouny, maçon né en 1833 à Aubusson  (Creuse) , simple garde au 183ème bataillon pendant le premier siège, il prend part à l’insurrection de la Commune de Paris, est arrêté le 28 mai près de la mairie du XXème arrondissement où il a pris part aux derniers combats, condamné à la déportation en 1872, sa peine est commuée en 3 ans de prison avec privation de droits civiques. 

Etienne Jardy, maçon né à La Feyté (Creuse) en 1840, prend part à l’insurrection et est condamné à la déportation en Nouvelle Calédonie jusqu’en 1879.

André Lagoutte, maçon né Saint Sébastien (Creuse) en 1843, prend part à l’insurrection de la Commune de Paris au sein du 165ème bataillon de la garde nationale. Arrêté par les allemands le 29 mai, condamné à la déportation. 

Antoine Peynot, militaire puis maçon, né en 1837 à Parsac (Creuse), prend part à l’insurrection de la Commune de Paris au sein du 110ème bataillon de la garde nationale, fait prisonnier place Jeanne d'Arc, condamné à 1 an de prison

François Sauvanet, tailleur de pierre né à Blessac (Creuse) en 1842, prend part à l’insurrection de la Commune de Paris comme lieutenant dans l’artillerie de la XIVème légion. Condamné par contumace en 1872 à la déportation en enceinte fortifiée. 

Auguste Tartary, maçon né à la Rochette (Creuse) en 1838, prend part à l’insurrection de la Commune de Paris au sein du 156ème bataillon fédéré. Il suit son bataillon sur les remparts contre les Versaillais. Pendant la semaine sanglante, Tartary se bat successivement dans le sud de la capitale, à Nation, sur la voie e chemin de fer de ceinture puis au Père-Lachaise. Errant, il est finalement arrêté. Condamné à la déportation en Nouvelle Calédonie où les autorités le qualifièrent de « communard incorrigible ». Amnistié en 1879. 


lundi 28 mai 2012

Il faut les plaindre et non les blâmer.


Aujourd’hui, il faut les plaindre et non les blâmer ils éveillent dans toutes les âmes de profondes compassions, parce qu’ils accusent la misère de les avoir poussés au mal, parce que personne, personne, entendez-vous, ne peut nier que la misère est une des causes de leur dégradation… Allez donc dire au peuple que la prostitution est un crime ; il vous répondra que le gouvernement la soutient quand elle lui paye patente…  Allez lui prêcher les vertus domestiques, le travail, l’ordre, l’économie, la chasteté, le mariage ; allez lui prêcher cela, il vous montrera de grandes dames qui roulent en équipage…

Martin Nadaud à l'assemblée nationale en 1851.



Est-il besoin de présenter Martin Nadaud, creusois du hameau de La Martinèche ( commune de Soubrebost ), jeune saisonnier qui après avoir longtemps travailler et appris à lire, écrire, fut un des premier députés OUVRIER élu dans une assemblée parlementaire française. Il se targuait d'y porter la blouse des travailleurs aux mains nues, sous les quolibets et les insultes des beaux messieurs de la droite réactionnaire.
Ce discours qu'il prononça sous les huées de la droite, portait à défendre les débits de boissons des quartiers populaires, seuls lieux de vie des ouvriers maçons de la capitale et que la droite "moralisatrice", visait à interdire autant comme endroit de "débauche" que comme lieux où l'on pouvait discuter, parler donc forcément conspirer. A Paris en 1851 comme en 2012, le citoyen censé sait ou est la débauche: dans les beaux quartiers. Et cela Martin Nadaud l'avait compris.

dimanche 27 mai 2012

L'Express: A Paris en 1871, beaucoup de communards étaient creusois.

Dans l'édition spéciale de L'EXPRESS ( numéro 3177, semaine du 23 au 29 mai 2012 ), un dossier de 12 pages intitulé: "Comment le Limousin est devenu français". Une article signé F.S. (Fuck Sarkozy? Flight Simulator ? Forces spéciales?) s’intéresse aux maçons de la Creuse. La Chose n'est pas ennuyeuse puisqu'elle reprend divers propos attribué à Michel Kiener, ancien adjoint à l’urbanisme de Limoges qui proclame comme il se doit que "les migrants creusois ont bâti Paris!" 



Il explique en quelques mots que la terre Marchoise, "pays de petites propriétés" où "l’agriculture n'arrive pas à nourrir toute la population" se voit forcer de se séparer de ses fils qui dès le XIIe siècle quittent leurs chaumières pour devenir travailleurs saisonniers sur les chantiers de France et d'ailleurs. 
S'il utilise le mot "légende" quant à l'attribution de la cathédrale Notre Dame de Paris par les maçons creusois, il confirme bel et bien que ce sont les mêmes hommes qui partis de la Souterraine en 1287, sont allés en Suède construire la cathédrale D'Uppsala. Est évoqué la participation des maçons marchois à l’édification de la digue de Richelieu qui en 1627 assiégeait les huguenots de la Rochelle. En oubliant malheureusement de préciser que ceux-là furent réquisitionner de force.


La Cathédrale D'Uppsala en Suède.


En outre l'article à le bon sens de rappeler qu'un tiers des maçons qui ont participé à l'édification du château de Versailles étaient marchois. Ce n'est là que justice, quand on sait le nombre d'ouvriers qui y laissèrent la vie au cours des trop nombreux accidents et que les manuels scolaires de la république salope préfèrent associer le nom du palais de ce despote à ces quelques architectes courtisans.

Travail de la pierre sur le chantier du château de Versailles.


L'article, court, est assez bien branlé, même si une petite bibliographie n'aurait pas fait de mal.Ce mal est bien pardonné quand le même Kiener affirme "qu'a Paris en 1871, beaucoup de communards étaient creusois." 
Propos qui n'est pas exagéré, quand on consultes les diverses archives où les travaux de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse (www.ssnah23.org);
Sujet que les "Amis de la Commune", trop occupés pour de basses raisons politiques, à faire des insurgés kabyles de 1871 d' authentiques communeux, n'ont JAMAIS oser aborder dans leur bulletin.