La hiérarchie chez les maçons,
comme l'expliquait Louis Bandy de Nalèche (1828-1879), avocat et politicien
libéral, dans son ouvrage « Les maçons de la Creuse » publié en 1859 :
L’art de la maçonnerie n’a pas
fait de sensibles progrès ; nous trouvons dans le Dictionnaire des arts et
métiers de Lucotte, architecte, la nomenclature des ouvriers en bâtiment, qui
en 1783 était exactement la même qu’aujourd’hui.
La voici :
1. Le premier et le chef des
ouvriers est l’architecte. Son emploi est de faire les plans et les élévations
des bâtiments, d’en diriger tous les détails, de dresser les devis et marchés,
et de régler les prix lorsque les ouvrages sont terminés. Dans les grands édifices,
il est aidé ordinairement des contrôleurs, inspecteurs, sous-inspecteurs et
autres architectes inférieurs.
2. Après l’architecte, le premier
ouvrier est le maître maçon. Son emploi est de conduire la maçonnerie du
bâtiment, suivant les plans et élévations qui lui sont donnés par l’architecte
ou ses préposés, de fournir tous les matériaux, de les employer, d’en diriger
l’économie, ce qu’on appelle entreprise.
3. Le deuxième ouvrier est le
maître compagnon, homme de confiance et instruit dans l’art, qui agit pour les
intérêts du maître maçon et en son absence. Son emploi est de donner tous les
soins à la main-d’œuvre, de faire l’appel des ouvriers le matin et le soir, et
son rôle pendant la journée, de donner des récépissés des matériaux à mesure
qu’ils arrivent, d’emmagasiner et prendre soin des équipages et ustensiles, en
un mot, de veiller à l’économie générale du bâtiment.
4. Le troisième est
l’appareilleur. Son emploi est de construire les épures (dessins détaillés des
voûtes), d’après les détails du maître maçon, d’appareiller les pierres et d’en
fixer la dimension. Le prix de sa journée est d’environ 3 livres à Paris. Il
est quelquefois aidé par ses compagnons ou garçons du tas, appareilleurs
inférieurs ; le prix de la journée est moindre.
5. Le quatrième ouvrier est le
tailleur de pierre. Son emploi est de tailler la pierre et de lui donner les
formes qu’elle doit avoir, suivant les dimensions que lui a données
l’appareilleur. Le prix de sa journée est depuis 35 jusqu’à 45 sous.
6. Le cinquième ouvrier est le
poseur. Son emploi est de mettre en place les pierres, de les poser de niveau
et à plomb, et d’en scier les joints lorsqu’il est nécessaire. Le prix de sa
journée est d’environ 45 sous.
7. Le sixième ouvrier est le
scieur de pierre dure. Son emploi est de scier les pierres dures à la scie sans
dents, à raison de 4 à 5 sous le pied carré, pour les pierres ordi¬naires, et
jusqu’à 10 sous pour les pierres de liais.
8. Le septième ouvrier est le
scieur de pierre tendre. Son emploi est de scier les pierres tendres à la scie
à dents. Prix de journée de 35 à 40 sous.
9. Le huitième ouvrier est le
compagnon maçon. Son emploi est de construire les ouvrages en plâtre. Gain 40
sous par jour.
10. Le neuvième ouvrier est le
limousin. Son emploi est de construire les ouvrages en mortier. Gain 36 sous
par jour.
11. Le dixième et dernier ouvrier
est le manœuvre. Son emploi est de faire les ouvrages bas et rudes et de servir
les autres. Gain 25 et 30 sous par jour.
12. Ceux qui servent les maçons
(un seul pour chacun) battent le plâtre, le passent, le gâchent et le portent
aux maçons pour l’employer.
13. Ceux qui servent les poseurs,
au nombre de deux ou trois pour chacun, les aident à porter, lever, rouler les
pierres dans leur place.
14. Ceux qui sont employés aux
chariots sont six pour les traîner et un ou deux suivent par derrière, chargés
chacun d’eux d’une pince pour aller à la roue.
15. Ceux qui sont employés à
barder les pierres, c’est-à-dire à les mettre en chantier et à les remuer,
appelés bardeurs (onzième ouvrier), sont par bandes de trois ou quatre chacune,
s’entraidant mutuellement, un d’eux conduisant la bande.
16. Ceux qui sont employés aux
engins sont plus ou moins nombreux, suivant les besoins.
17. Un douzième ouvrier, employé
par le maître maçon, et qui n’est appelé que lorsque le bâtiment est fini, est
le toiseur. Son emploi et souvent son seul talent est de savoir toiser toutes
les parties du bâtiment suivant les usages et la loi, d’en dresser les mémoires
et d’y mettre des prix relatifs aux marchés et à l’espèce d’ouvrage. Le prix de
son travail est ordinairement de 10 pour 1.000, mais un peu moins pour les
grands édifices. »
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